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RÉSUMÉ DE L'HISTOIRE DES AFFAIRES INDIGÈNES, DES GOUMS MIXTES MAROCAINS ET DES TABORS MAROCAINS.

(1908-1956).

 

 

Par Daniel Sornat.

 

 

 

   Le Service de Renseignements (SR), devenu le Service des Affaires Indigènes (AI) en 1926, et les Goums Mixtes Marocains (GGM) sont les deux acteurs indissociables de la politique indigène pendant la Pacification (1908-1935). Ce rôle perdure au Maroc jusqu’à l’Indépendance. Les officiers des A.I continuent d’administrer leur zone tout en disposant de Goums Mixtes pour la sécurité intérieure du Protectorat. A partir de 1942, 4 Groupes de Tabors Marocains (GTM= Régiment) font campagne hors du Maroc sur les fronts de la seconde guerre mondiale et 10 Tabors marocains participent à la guerre d’Indochine. Toutes ces unité continuent d’être commandées par des officiers des AI.

   Goum vient de la racine sémitique QWM qu’on trouve en hébreu, araméen, et syriaque avec le sens « se lever, se dresser ». Ainsi dans l’évangile de saint Marc (5.47), Jésus dit en araméen à la fille paralytique de Jaïre : « Thalata goumi », ce qui signifie «Fillette lève-toi ». Le « I » final est la désinence verbale de l’impératif de la deuxième personne du singulier féminin. En arabe classique le verbe qám signifie également « se lever, se tenir debout ». En arabe dialectal la lettre q devient g.

   Tabor et Goum sont deux mots qui ne figurent pas dans le vocabulaire militaire traditionnel du Maroc. Tabor (bataillon en Turc) est introduit au Maroc par les Ottomans venus réformer l’armée chérifienne après 1860. Le traité d’Algesiras (1906) crée les Tabors de police des ports marocains encadrés par des Français ou des Espagnols et commandés par un inspecteur général Suisse. Le Goum était le contingent levé dans les tribus, armé et équipé à ses frais, qui renforçait les Janissaires en Algérie. Les Français ont continué à lever des goums de la même façon que les Ottomans et ont ensuite introduit le mot au Maroc.

Les Goums de la Chaouia. 

   Casablanca et une partie de la Chaouia sont occupés en août 1907. En avril 1908, Clemenceau y envoie une mission d’inspection coprésidée par le représentant de la France à Tanger Regnault et par le général Lyautey commandant la division d’Oran. Leur rapport est adopté par le président du conseil et par le général Picquart ministre de la Guerre. Il prévoit la création d’une « force indigène locale » commandée par des officiers d’un Service de Renseignements, un « service  essentiel » qu’il faut créer. Le 13 octobre, Picquart adresse au général d’Amade la directive personnelle n°9.917/9/11 créant le Service de Renseignement et les Goums de la Chaouia. Reprenant les idées de Lyautey, il précise que chaque Goum « formera corps en évitant les complications administratives intérieures. Son capitaine sera le seul maitre pour son recrutement, sa remonte et son administration ». Au combat « il faut retourner aux habitudes des indigènes ». Les unités doivent être placées dans les conditions de l’adversaire, c'est-à-dire « porter un fusil, marcher avec des sandales, vivre avec une petite provision de dattes et de farine, coucher dans un burnous ». Cette directive est le véritable acte de naissance des Goums Marocains. L’Ordre général 100, signé le 1 novembre par le général d’Amade 1908 ne fait qu’organiser l’implantation des Goums en Chaouia. L’historiographie continue cependant de faire du général d’Amade « le père des Goums Marocains ».

   En mai 1911, les six goums de la Chaouia, sous les ordres du commandant Simon, forment l’avant-garde des troupes qui marchent sur Fez pour y rétablir l’ordre à la demande du sultan. A cette occasion le fusil modèle 1874 est remplacé par le fusil 1886. Au cours de cette campagne de quatre mois les Goums de la Chouïa font une entrée remarquée dans l’armée d’Afrique. Le colonel Gouraud leur rend hommage: « Les Goums sont superbes en service intérieur comme au feu… ils peuvent rivaliser avec n’importe quelle troupe indigène ». On commence à les appeler Goums Mixtes pour les distinguer des Goums algériens qui se succèdent tous les 4 mois au Maroc. Pour contrôler et administrer les nouveaux territoires occupés six nouveaux goums sont implantés auprès de chaque nouveau bureau de renseignements : le 1 bis à Mekhnès, le 2 bis à Petitjean (Sidi Kacem), le 3 bis à Mehdia, le 4 bis à Souk El Arba des Zemmour, le 5 bis à Tifflet et le 6 bis au Camp Marchand (Rommani). Ces six Goums Mixtes bis participent à la sécurité de la ligne d’étape, encore peu sûre, entre Fez et la côte. En192l, les Goums seront numérotés de 1 à 12

   Après l’accord franco-allemand du 4 novembre 1911, la France a les mains libres au Maroc. Le 30 mars le sultan et l’ambassadeur Regnault signent le Traité de Fez qui organise le protectorat. Le 17 avril, les tabors de l’Armée Chérifienne encadrés par la mission militaire française se révoltent à Fez. 80 militaires et civils français sont assassinés. L’insurrection est matée le 21 avril. Mais le Maroc s’embrase. Des tribus prennent les armes à l’appel de plusieurs roguis. Lyautey, nommé résident général débarque le 10 mai. Le 12 juin, les Troupes Auxiliaires Marocaines, ancêtres des Tirailleurs et des Spahis marocains sont créés avec les effectifs sélectionnés dans les rangs des tabors chérifiens et avec les tabors de police des ports relevant de la France. Tabor est désormais un mot honni dans les rangs de l’armée française.

   Le 17 août, El Hiba, dit le sultan bleu, franchit l’Atlas. Il entre par surprise dans Marrakech où la prière est désormais dite à son nom. Le 7 septembre, les lieutenants Britsch et Mazerat avec leurs 400 partisans et les cavaliers du 2e Goum et du 3e Goum chargent les troupes d’El Hiba à Sidi Bou Othman. Ces unités font ensuite partie de la colonne légère commandée par le lieutenant-colonel Simon envoyé en avant-garde vers Marrakech. Le 9 novembre, Simon entre dans la ville abandonnée par El Hiba. Ne disposant pas des forces nécessaires pour occuper le grand sud marocain, Lyautey inaugure la politique dite des “Grands caïds”. Les principaux chefs marocains de la région sous la houlette de Madani el Glaoui, nommé pacha de Marrakech, s’engagent devant le nouveau Sultan Moulay Youssef et Lyautey à collaborer sincèrement avec le représentant du sultan et le lieutenant-colonel de Lamothe. Le 2e Goum s’installe plus au nord à Ben Guerir.

   Au Tadla, le 3e Goum s’installe à El Borouj et le 1er Goum à Oued Zem en novembre. Ils ne peuvent empêcher Moha Ou Hammou et Moha Ou Saïd, les deux puissants caïds de l’Atlas central, de continuer à hiverner au Tadla et de menacer les communications entre les trois capitales. En mars-avril 1913, les 1er, 3e et 4e Goum font partie du groupe mobile du colonel Mangin qui s’empare par surprise du camp de Moha Ou Hammou installé à Botna Aissaoua au Tadla. Le colonel Mangin chasse ensuite Moha Ou Saïd de Casbah Tadla.

L’Instruction ministérielle du 9 août 1913.

   Cette Instruction est l’acte de naissance officiel des Goums Mixtes Marocains (GMM). Elle les définit comme étant des  « forces supplétives indigènes permanentes organisées en 1908 dans le Maroc occidental sous le nom de Goums Mixtes ont pour rôle normal, tout en participant aux opérations générales des troupes d’occupation, de constituer sur toute l’étendue des territoires occupés et notamment à leurs périphéries, un lien particulier entre les autorités militaires et les populations indigènes, de faciliter ainsi l’administration des tribus soumises et de nouer des intelligences avec les tribus extérieures…». 

   Trois remarques s’imposent. D’abord, cette rédaction est contradictoire. Selon les dictionnaires «les forces supplétives sont des forces recrutées temporairement pour compléter des forces régulières ». Cette définition est conforme à la circulaire parue au bulletin officiel du ministère de la Guerre du 4 avril 1910, pour qui le Goum est « une force supplétive indigène levée temporairement dans les tribus pour participer à une opération déterminée ». Comment les Goums Mixtes peuvent-ils être à la fois permanents et supplétifs? Ensuite, il faut souligner l’importance de l’épithète Mixte qui les caractérise. Elle évite toutes les assimilations erronées avec les autres types de goums de l’armée française. Enfin, Maroc occidental rappelle qu’existait un deuxième Haut-commissaire au Maroc oriental (appelé à l’époque Confins Algéro marocains) jusqu’en 1919. Même après cette date les goums existants dans l’Oriental n’étaient pas des Goums Mixtes, mais des “goums” temporaires levés au Maroc oriental pour une opération, l’équivalent des harkas de partisans au Maroc occidental. Ces derniers ne doivent pas être confondus avec les Goums Algériens qui interviennent dans l’oriental, en particulier dans le territoire de Boudnib. Ajoutons que le budget des Goums Mixtes relève du ministère de la Guerre alors que celui des supplétifs comme les makhzens ou les partisans relève du Protectorat. Cet embrouillamini initial ne sera jamais clairement levé. De fait les états-majors parisiens n’arriveront jamais à classer les Goums Mixtes Marocains qui ne ressemblent à aucune autre unité connue de l’armée Française. On peut comprendre leur perplexité devant l‘originalité de ces compagnies.

* Ils sont mixtes, car formés de trois sections d’infanterie (120 fantassins) et d’un peloton de cavalerie (50 cavaliers), soutenus par un train muletier et un groupe de mitrailleuses Hotchkiss à partir de 1922. Une organisation permanente à l’échelon compagnie inconnue dans l’armée française.

* Français ou Marocains doivent se porter volontaires pour servir dans leurs rangs. Statutairement ils sont commandés par des officiers du Service de Renseignement devenu Affaires Indigènes en 1926. Les officiers suivent au préalable un stage à Rabat de 9 mois ouvert à toutes les armes, voire à de très rares marins ou aviateurs.

* Les Marocains s’engagent pour une durée de deux ans renouvelables sans pouvoir dépasser 15 ans de service avec pécule à l’issue puis droit à la retraite après 1952.

* Le Goum Mixte forme corps. Son capitaine, délégué suppléant de l’Intendance, a le privilège unique de recruter lui-même ses goumiers. Il est responsable de l’administration, de l’habillement, du logement etc…. Théoriquement, il est secondé par un lieutenant adjoint, également officier des A.I, et par 8 à 10 sous-officiers et des caporaux français, marocain, algériens et tunisien. A partir de 1922, on crée la hiérarchie spéciale suivante : maoun (caporal), maoun aoual (caporal-chef), mokkadem (sergent) mokkadem aoual (sergent-chef). (Cfr. Page 7).

*Il n’y a pas d’ordinaire. Les goumiers sont au “prêt franc”, autrement dit, ils perçoivent une indemnité pour se nourrir. Au poste ou en opération, les célibataires font popote commune avec des camarades. Les mariés logent dans le « douar » réservé aux familles, inclus ou attenant à l’enceinte du poste.

   Au fond le général Lyautey et les officiers des A.I ne voyaient que des avantages à ce que les Goums Mixtes soient considérés comme des supplétifs. On pouvait ainsi s’affranchir plus facilement du contrôle tatillon imposé par de lointains bureaux parisiens et bénéficier de plus souplesse dans le commandement et la gestion administrative des Goums Mixtes que celle existant dans les troupes régulières. Comme le résumait le futur général Boyer de Latour, les officiers des A.I ne peuvent que se satisfaire d’une situation leur permettant de « jouir de l’indépendance que donne dans l’armée les situations insuffisamment définies ».

   Heureusement l’Instruction ministérielle du 9 août est plus explicite sur la mission du SR et le rôle des Goums Mixtes dans la Pacification. En 1913, Lyautey supprime le système divisionnaire existant à son arrivée. Il le remplace par des régions territoriales commandées par un officier général doté de tous les pouvoir civils et militaire. Sa mission civile est d’assurer la tutelle des collectivités indigènes sur tout son territoire. Il est secondé par le chef du bureau régional du SR qui coiffe les commandants de cercles (officiers supérieurs), les chefs d’annexes (capitaines anciens) et les chefs de postes que sont les commandants de goum. La place du Goum est à la périphérie, autrement dit sur le font de la dissidence. Comme Janus, le commandant de Goum a deux visages, celui de la paix et celui de la guerre. D’une part, il administre la tribu nouvellement ralliée et d’autre part, il prépare le prochain bond en collectant les renseignements dans tous les domaines sur les dissidents qu’il côtoie. Sur le plan administratif et disciplinaire les Goums Mixtes relèvent de la Direction du SR, puis en 1926 des AI, installée à Rabat.

Service de renseignement et Goums Mixtes de 1914 à 1919.

    En juillet 1914, les Français occupent les plaines autour des quatre capitales impériales, c’est à dire grosso modo le bled makhzen des sultans. 208 officiers sont affectés au SR. Le nombre des Goums Mixtes passe de 16 en 1914 à 25 en 1919. Mis à part la Chaouïa et Rabat administrés par des contrôleurs civils, 19 cercles contrôlent le Maroc Occidental et 4 l’Oriental qui ne disposent pas de Goums Mixtes. Après la déclaration de guerre, le SR et les GM participent au tour de force réalisé par Lyautey qui permet de maintenir nos positions au Maroc La totalité des Goums Mixtes est en première ligne sur les fronts du Rif et de l’Atlas central pendant la guerre en Europe. En 1917 ils participent à la percée de l’Atlas central effectuée en 1917. Au sud de l’Atlas Central et au Tafilalet le contrôle relève uniquement du SR et de la politique des Grands Caïds.

Le front du Rif.

   Le front du Rif suit le cours de l’Ouergha puis se poursuit jusqu’à la Moulouya selon une ligne approximativement parallèle au couloir de Taza. 6 GMM sont affectés à ce front où les makhzens et les partisans jouent un rôle important surtout à l’est. Le Rif va s’enflammer au printemps 1915. Les dissidents sont encouragés par l’ancien sultan Moulay Hafid réfugié en Espagne et par les Allemands qui leur fournissent argent et armes, y compris des mitrailleuses. À l’Ouest, les tribus berbères environnant Ouezzane, qui envahissent la partie du Gharb déjà pacifié, sont repoussées. Les 8e, 9e et 10e Goum construisent trois postes à Amana, Beni Oual et M’Zefroun où ils assureront la lourde tâche de couverture du Gharb dans des conditions matérielles difficiles. Le 5 octobre 1918, le capitaine Hattner est tué avec un maréchal des logis et 6 goumiers du 9e Goum par un fort parti rifain. Beni Oual est assiégé. Le capitaine SR Fourny avec 500 partisans Zemmour lève le siège du poste après avoir infligé de fortes pertes aux assiégeants.

   Au nord de Fez, à la fin de 1914, des djichs traversent l’Ouergha et razzient les tribus Sless et Fichtala ralliées. Pour les protéger, le général Lyautey obtient le 1er février la création du 17e Goum à Kelaa des Sless sur l’Ouergha et déplace le 13e Goum de Ras el Ma à Karia Ba Mohamed. En mars 1919, des harkas affamées, poussées par une famine consécutive à une terrible sècheresse, et encouragées par la démobilisation brutale de nos effectifs, franchissent à nouveau l’Ouergha. Le 1e avril, une compagnie marocaine et le 16e Goum occupent le poste d’Aïn Mediouna. Sur le djebel Ghezenia, une autre compagnie marocaine et une section du 16e Goum, aux ordres du capitaine Macouillard, sont surpris par les Rifains profitant d’un épais brouillard. La quarantaine de survivants et quelques goumiers sont recueillis par le 16e goum qui s’est porté à leur rencontre. Ne pouvant plus se replier sur Ain Mediouna déjà assiégé, le capitaine Chanut se réfugie à Aïn Matouf. Les pertes totales au cours de ces combats, qui suivent, s’élèvent à 296 tués dont 4 officiers et 57 blessés. Dans les rangs du Goum, le sergent Roy, le caporal Mercier et 24 goumiers sont tués.

   A la fin de l’année 1915, la harka d’Abdel Malek, petit-fils d’Abdel Kader, entre en scène sur le front nord de Taza où il n’existera aucun GMM avant la création du 25e Goum en 1919. Le SR de la subdivision remplit ses missions avec des makhzens et des partisans. Le 10 décembre, le capitaine Coudert, chef d’annexe des Branès, est tué à la tête de son makhzen et de ses partisans. En mai 1916, le 16e Goum vient renforcer le groupe de supplétifs du commandant Debacker. Son successeur le capitaine Quais est tué l’année suivante. En juin 1918, la harkas d’Abdel Malek envahit la région du Djebel Bou Mehiris. Le 23 juin, le 16e goum donne l’assaut à la crête de la koubba de Beni Mohammed qu’il enlève brillamment. Le capitaine Chanut est blessé et l’officier interprète Torras est tué avec une dizaine de goumiers. Le fanion du goum est décoré de la croix de guerre 14-18 avec palme. Le chef de bataillon SR Debacker, à la tête d’un millier de partisans, poursuit la harka qui se replie plus au nord à Kiffane. Debacker est tué au cours d’un assaut victorieux.

Le front de l’Atlas central.

   A la fin de 1914, les 12 autres Goums sont sur le front de l’Atlas central. Il suit d’abord de très près le couloir de Taza, puis s’infléchit vers les sources de l’Oum Er Rebia. Il se confond alors cet oued orienté nord-sud qui longe le Tadla jusqu’à Dar El Zidouh. Le front se prolonge vers le sud jusqu’ à El Kelaa des Sraghrna.

   Jusqu’en 1919, le général Aubert bataille pour dégager le couloir et refouler Beni Ouaraïn et les Ghiata qui menacent les travaux de la route et du chemin de fer à voie étroite Oujda-Fez. La sécurité est assurée par des lignes successives de blockhaus établis sur les contreforts de l’Atlas et assurées dans les intervalles par des officiers SR avec leurs Makhzens et leurs partisans et des postes tenus par des territoriaux.

   Au sud de la région de Fez, en lisière du Massif du Tichoukt, le front correspond avec le cercle de Sefrou. Le 16 juin 1916, le poste d’Annoceur du 18e Goum, récemment créé par le capitaine Minette de Saint Martin, résiste à une harka estimée à 2.000 hommes. Le fanion du Goum est décoré de la croix de guerre avec palme. En juillet 1917, le 12e Goum vient renforcer la nouvelle garnison de Tazouta où il est accroché presque à chacune de ses sorties. En août 1918, très éprouvé, il rejoint Oulmès. Il est remplacé par le 20e Goum créé à Annoceur en octobre 1917 par le capitaine Materne.

   Au sud de Meknès, initialement le cercle d’Azrou dispose seulement du 7e Goum en poste à Aïn Leuh. En 1915, Le 15e Goum du capitaine Desjobert s’installe à Lias. Aux ordres du lieutenant Fenoy ce goum participe brillamment à la conquête d’El Hamman où il s’installe en juillet 1918. Les AÏt Arfa souhaitant être protégés contre les attaques des Aït Seghrouchen, Timhadit est occupé la même année par un poste SR et son Makhzen.

En juin 1914, au Tadla, trois colonnes convergent vers Khénifra la capitale de Moha Ou Hammou, chacune éclairée par un goum (1er, 5e et 7e Goum) et pénètrent dans Khénifra abandonné. Le 13 novembre, le colonel Laverdure  commandant la garnison de Khénifra fait un coup de main sur le douar de tentes de Moha ou Hammou dressé à El Herri. L’opération tourne au désastre : 613 soldats et 32 officiers, dont le colonel, sont tués. Dans la section Hanus du 5e Goum, il n’y a aucun survivant. Par chance le reste du goum était engagé ailleurs. Encouragés par ce succès éclatant, les tribus Ait Sgougou, Zaïan, Aït Ishaq, Aït Berkh et Aït Ouirra continuent de franchir l’Oum Er Rebia pour installer leurs douars de tentes dans l’Azaghar du Tadla, leur zone traditionnelle d’hivernage, assiégeant ainsi Khénifra chaque hiver. Le groupe mobile ne sera pas de taille à s’opposer au déferlement des transhumants dissidents descendant de l’Atlas. Jusqu’en 1920 on préfèrera parler de la “Hernie du Tadla”.

   Les Goums y remplissent une tâche quotidienne ingrate et épuisante dans des conditions difficiles. Ils s’efforcent de prévenir les défections des tribus ralliées et de s’opposer aux djichs qui viennent les razzier. Ils ouvrent la voie du groupe mobile qui escorte le convoi de ravitaillement semestriel des postes et de Khénifra assiégé toute l’année. Le 5e Goum, qui y tient garnison, perd 34 goumiers en assurant les liaisons avec la côte via Aguelmous. Il remplace à Moulay Bouazza, le 11e Goum affecté à Beni Mellal au début de 1916. Le 1er Goum et le 4e Goum en garnison à Boujad, assurent eux aussi les escortes de convoi. Le 2 août 2016, le capitaine de La Rocque à la tête des 1er et 4e Goum, est grièvement blessé alors que le convoi est durement accroché. En 1917, le 1er goum est muté à Sidi Lamine en 1917. Ce poste, isolé dans un couloir montagneux est  investi en permanence par les dissidents. Le 13 janvier 1918, le 4e Goum, commandé par le capitaine Duga, reçoit la croix de guerre avec palme. Son Goum à cheval représentera les Goums Mixtes à Paris au défilé de la victoire de 1919. Le 6e Goum venant de Camp Christian rejoint Oulmès en 1916, chef-lieu du cercle de cette partie nord du Tadla commandé par le capitaine Flye Sainte Marie. En octobre 1916, le 10e Goum s’installe à Ouljet Es Soltane dans la vallée de l’oued Beht au nord du Tadla avant de retourner dans le Gharb pour créer le poste de Mzefroun sur le front du Gharb en 1918. Le 12e Goum reste à Tedders jusqu’en juillet 1917 jusqu'à son départ précipité pour Tazouta (Cf. ci-dessus). A Dar el Zidouh, le 3e Goum est le seul goum située sur la rive gauche de l’Oum Er Rebia. En mai 1916, les 1er, 3e, 4e et 11e Goum font partie de la colonne qui s’empare de Beni Mellal. Le fanion du 3e Goum est le premier à être récompensé par la Croix de guerre avec palme. Le chef de bataillon Tarrit prend le commandement du SR de Beni Mellal où il dispose du 11e Goum.

   Moha ou Hammou, ayant choisi un de ses neveux comme successeur, les officiers SR exploitent cette situation. Ils entrent en pourparlers avec ses fils Bouazza et Ahmaroq. En 1917, les deux frères se rallient et rejoignent Khénifra. Bouazza est autorisé à lever un guich. Peu après un autre fils, Miami Ould Fassia, assassine le capitaine Tailhade venu discuter des conditions de son ralliement. Il sera banni par son père pour ne pas avoir respecté le sauf-conduit (mezrag) accordé pour l’entrevue.

   La région de Marrakech dispose seulement de trois bataillons de Territoriaux, de l’Escadron sénégalais, de 2 GMM et de la Milice permanente de Marrakech. En dépit de la pauvreté de ses moyens la région arrive à prolonger le front du Tadla vers le sud grâce à l’appui des nombreux partisans du Glaoui. En décembre 1915, Tanant devient le poste du 14e Goum commandé par le capitaine Orthlieb. L’année suivante, le 2e Goum installe son poste à Azizal à 1400 mètres d’altitude. Au cours de l’été de 1918, le général Lamothe intervient avec une colonne légère contre le marabout Sidi M’Ha. Elle est composée des 2e et 14e Goum et de 4.000 partisans Glaoua, renforcée par le 3e Goum du capitaine Clerdouet et le 4eGoum du lieutenant Fisse venus du Tadla. La colonne est repoussée par les dissidents fanatisés par le marabout. Le général renonce à son intention d’occuper les AÏt M’Hamed.

La percée de l’Atlas Central.

 Cette percée permet à la fois de «mettre en tache» la zone dissidente située au sud de Taza et de rattacher enfin physiquement et militairement le territoire de Boudenib au Maroc. En mai 1917, le groupe mobile de Meknès éclairé des 7e et 18e Goum progresse sans difficulté à la rencontre du groupe mobile de Bou Denib et de celui d’Oujda. Le 3 juillet, le 18e Goum a 2 tués et 3 blessés au combat du Djebel Tafraout. Le 10 octobre 1917, les trois groupes mobiles sont réunis sous le commandement du général Lyautey au gué d’Assaka N’Tebahit sur la Moulouya. Le capitaine Guenoun prend la tête du cercle de Midelt. En septembre 1917, le capitaine Baïron forme le 19e Goum au cœur des Aït M’Guild de la Moulouya. L’année suivante, le 22e Goum est créé à Midelt. En 1918, l’encerclement de la tache de Taza est complété à l’Est par le rattachement au Maroc occidental des cercles de Taourirt et de la Moyenne Moulouya qui dispose du 21e Goum d’Ain Guettara sur la Moulouya.

Réussite du SR au sud du Haut Atlas et échec au Tafilalet.

   Dans le Sous, 4 “tabors chérifiens” sans cadres français, financés par le budget Guerre français, sont levés dans le Sous pour faire face à la menace d’EL Hiba. Ils sont placés sous le commandement d’El Goundafi, un guerrier naib (représentant) du sultan, conseillé par le capitaine SR Justinard qui va rester cinq ans “en enfant perdu” dans le Sous où, selon le général Lyautey, « il valait cinq bataillons ». La mission allemande Probster, qui débarque en 1917 à Tarfaya et ravitaille en armes EL Hiba nécessite une intervention d’un groupe mobile. Le Sud-est du Haut Atlas, sous la férule des Glaoui, reste calme pendant toute la guerre. Chargé de faire une diversion ou pour soulager le Tafilalet, le général Lamothe lève avec le nouveau pacha Thami el Glaoui qui a succédé à son frère Madani, une harka de 8.000 fantassins et de 800 cavaliers. Le 13 janvier 1919, elle quitte Ouarzazate avec le lieutenant SR Kouadi chargé d’assurer la liaison avec le Glaoui. Dès son arrivée à Skoura dans la vallée du Dadès, les AÏt Atta du Saghro s’empressent de rappeler les contingents envoyés au Tafilalet.

   En 1918, les liaisons restent précaires avec le territoire autonome de Boudenib qui continue de dépendre totalement sur plan militaire de l’Algérie fournissant le ravitaillement et les éventuels secours. Le lieutenant-colonel Doury, chef du territoire estime cependant qu’un parti favorable au Maghzen se dessine au Tafilalet permettant d’y installer une mission de contrôle. Mais la situation n’a rien de comparable avec le Sous. Moulay el Mahdî, le Khalifa du Tafilalet ne dispose d’aucune troupe. Ce cousin germain du sultan, qui ne dispose d’aucune troupe, n’a aucune influence sur les Filala, les sédentaires de cette très grande palmeraie qui restent tributaires des tribus nomades Aït Atta, Aït Kebbach et Aït Hammou. La mission, composée du capitaine SR Noël, du capitaine médecin-major Madeleine, du lieutenant interprète Oustry et de 150 mokhazenis, s’installe au cœur du Tafilalet. Le 3 juin 1918, l'assassinat dans la casbah de Tighmart du lieutenant Oustry donne le signal du soulèvement des tribus nomades. Le 13 juillet, le groupe mobile essuie un grave échec à Gaouz : 251 tués dont 11 officiers et 68 blessés. Doury est levé de son commandant et l’occupation du Tafilalet est abandonnée.

SR et GMM dans l’après-guerre (1920-1924). 

   Pendant cette période les marges de manœuvre opérationnelle de Lyautey sont limitées par deux problèmes : l’entrée en scène d’Abdel Krim au cours de l’été 1921 et la réduction des effectifs et des crédits.

   Tout portait à croire en 1920 que la zone espagnole était sur le point d’être pacifiée. Le 21 juillet 1921, la retraite du poste d’Anoual se transforme en déroute. L’armée espagnole gagnée par la panique se réfugie à Melilla. Plus de 12.000 soldats espagnols et marocains sont tués. Les Espagnols vont échouer dans toutes leurs tentatives de reconquérir le terrain perdu.

   Dès la signature de l’armistice les 17 bataillons de Territoriaux sont rapatriés en bloc. La baisse totale des effectifs est de 22.000 hommes. L’effectif définitif prévu par la loi des cadres de 1923 est de 46.000 hommes de troupes régulières et de 10.500 pour les Goums et les Makhzens relevant du budget de la Guerre. Le budget, y compris la contribution du protectorat, passe de 495 millions en 1921 à 403 en 1923, soit une baisse de près de 100 millions.

   Après la création du 26e Goum à Amizmiz et du 27e Goum à Agadir, en 1921 les crédits ne permettent pas de nouvelle création. L’effectif théorique d’un goum est ramené à 161 marocains et à 11 français. La puissance de feu de chaque goum est renforcée par 4 fusils mitrailleurs, modèle 1915, par un groupe de deux mitrailleuses et d’un train de combat de 15 mulets. Le chef de cercle a désormais les mêmes attributions sur le plan de la discipline et de l’instruction que celles d’un chef de bataillon envers ses compagnies. En 1922, le classement des Goums Mixtes Marocains au sein de l’Infanterie Métropolitaine pose le problème de la nomination des gradés marocains. Jusqu’à cette date, les petits gradés et sous-officiers marocains étaient nommés au feu sans devoir passer l’examen théorique désormais exigible. Pour tourner cette difficulté, on invente la hiérarchie spéciale des maouns et maouns aouals (caporaux et caporaux-chef) et des mokkadems et mokkadems aouals (sergent et sergent-chef) permettant aux élèves gradés de recevoir une formation adaptée aux Goums Mixtes. Cette mesure, réservant l’avancement aux seuls marocains et faisant disparaitre les sergents et les caporaux algériens ou tunisiens, renforce la cohésion.

Le Front d’Ouezzane.

   En 1920, les Espagnols occupent Chechaouen. Le tracé la frontière franco-espagnole n’étant pas clairement défini, Lyautey décide d’occuper Ouezzane et le territoire des quatre tribus attenantes. Le 16 septembre 1920, deux colonnes pénètrent dans la région avec comme premier objectif le Djebel Issoual.

   Trois goums locaux du Gharb, le 8e Goum (Aïn Défali) du capitaine Lafforgue, le 9e Goum (Beni Oual) du capitaine Laurent, le 10e Goum (M’zefroun) du lieutenant Levillain et 700 partisans éclairent la colonne de Meknès. Le 6e goum (Arbaoua) du capitaine Denis n’est pas engagé initialement. Le 18e Goum (Annoceur) du lieutenant de Seroux, par le 20e Goum (Sefrou) du capitaine Le Guevel, et par les 13e et 17e goum à cheval de l’Ouergha renforcés par 200 partisans du Gharb qui serviront de guides, assurent la même mission en tête de la colonne de Fez. Grace à la préparation politique habile conduit par les officiers de renseignement du Gharb, les Beni Mesguilda et trois fractions des Beni Mestara demande l’aman dès le 20 septembre. Le 2 octobre, le général Poëymirau est accueilli aux portes d’Ouezzane par le chérif Idrisside Moulay Taieb heureux de voir arriver les Français. Les Rhouna et une partie des Ghezaoua se rallient au Makhzen. Le chef cercle d’Ouezzane a sous commandement quatre postes : Issoual du 8e Goum (Beni Mestara), Téroual du 9e Goum (Mesguilda), l’Oued Allal sur la frontière du 6e Goum (Ghezaoua) et Beni Oual du 10e Goum.

   L’année suivante l’escorte du convoi de ravitaillement d’Issoual, renforcée par les 9e Goum, 10e Goum et 13e Goum à cheval, est boquée à Kacem ben Salah par un réseau de tranchées organisé selon le modèle du front européen. Au cours des combats, le lieutenant Séjourné du 13e est tué avec 6 goumiers ainsi que le lieutenant Cougoulat du 9e Goum avec le sergent Conte et 7 goumiers. Les Beni Mestara, les Mesguilda et les Ghezaoua, encouragés par les éclatants succès d’Abd el Krim font défection. Les deux années suivantes, Issoual occupé par un bataillon, reste encerclé. Le  8e Goum se replie sur Sidi Redouane où le terrain lui permet de reprendre ses patrouilles et ses embuscades en pays Mesguilda.

   En 1923, le colonel Colombat décide de donner de l’air aux postes d’Issoual et de Téroual en reportant le front plus à l’est. Les 7 et 12 octobre les villages de Skar et de Zrizra à l’est d’Issoual sont pris d’assaut par les 8e et 10e Goums. Le fanion du dernier reçoit la croix de guerre des TOE avec palme.

Le front au nord de Fez et de Taza.

   Cette partie du front rifain reste calme. Administrativement, se succèdent d’ouest en est : le cercle de l’Ouergha avec deux bureaux de renseignements Kelaa des Sless (17e Goum) et Karia Ba Mohamed (13e Goum), l’annexe des Hayaïna avec deux bureaux de renseignements Tissa (16e Goum) et l’annexe de Taza banlieue avec deux bureau de renseignement à Oued Amelil et à Bab Morouj. Après le départ du 25e Goum pour la Tache de Taza, le SR continue de remplir ses missions avec les Makhzens et les partisans.

La réduction de la hernie de Khénifra et l’occupation de la rive gauche de l’Oum Er Rebia.

   Au début de l’hiver 1920, les dissidents ont encore une fois envahi leur zone traditionnelle d’hivernage. Le général Lyautey décide de créer, sur la rive gauche l’Oum Er Rebia, une ligne d’ouvrages tenant sous leurs feux les principaux gués utilisés par les transhumants.

   Le groupe mobile du colonel Colombat venant d’Aïn Leuh est guidé par 3 goums locaux, les  5e, 7e et 15e Goum. Le 18 avril, ce dernier, commandé par le capitaine Massiac, s’empare de Taka Ichiane par surprise qu’il conserve jusqu’à l’arrivée du groupe mobile qui descend le fleuve sur la rive gauche. Le groupe mobile du Tadla où sont intégrés les 1er, 2e,  4e, 12e, et 23e Goum se joint à lui pour occuper Aït Ishaq et El Bordj. Ce poste est gardé par le 4e Goum jusqu’à la fin de l’année. Oued Amassine devient la nouvelle garnison du 12e Goum. Le 2 juin, à Khénifra, Hassan, 8 autres fils de Moha ou Hammou et 2.500 familles Zaïan font leur soumission et restituent les canons et mitrailleuses pris à El Herri.

A suivre...