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Les Goums mixtes marocains

Décoré de la Légion d’Honneur et du Mérite Militaire Chérifien, le Drapeau des Goums porte inscrits sur ses plis les noms des campagnes auxquels ces unités d’élite ont participé : Maroc, Tunisie, Corse, Sicile, France, Allemagne et Indochine. Ce Drapeau leur fût remis en 1945 par le général de Gaulle.

De 1942 à 1945, partout où ils sont engagés leur marche est victorieuse. Goums et Tabors se couvrent particulièrement de gloire dans la bataille du Garigliano qui ouvre la  route de Rome, dans la libération de Marseille où ils jouent un rôle prépondérant et dans les durs combats de l’hiver 1944-1945 dans les Vosges.

Le général Lyautey et la création des Goums mixtes marocains

Le général Picquart, ministre de la Guerre, donne des directives au général d’Amade pour la création d’unités, qui deviendront les goums mixtes marocains, pour assurer la sécurité de la plaine côtière de la Chaouïa qui s’étend à l’est de Casablanca.

L’inspiration a été donnée par le général Lyautey, qui a compris dans son commandement du Sud-Oranais à Aïn Sefra, tout le parti que l’on pouvait tirer de troupes légères, très mobiles, rustiques, levées parmi les tribus ralliées, pour participer aux opérations militaires mais surtout pour constituer un lien permanent entre l’autorité militaire et les populations indigènes.

En 1913, après l’instauration du Protectorat, nommé Résident général, le général Lyautey fixe le statut des goums mixtes marocains, conformément aux principes qu’il avait posés fort de l’expérience qu’il avait acquise dans son commandement précédent du Sud Oranais et repris dans une directive du général Picquart, Ministre de la Guerre : éviter « toutes les prescriptions strictes à ramener ces forces supplétives à la forme régimentaire » en créant des compagnies formant corps et en « évitant les complications administratives intérieures », dont le « seul maître pour son recrutement, sa remonte et son administration » serait son capitaine. Conformément aux vœux du général, le ministre estime en outre indispensable que « la surveillance du territoire (service de renseignement) et les forces chargées de l’assurer (goums) soient remise dans la même main. »

Le général Lyautey précise que «  tout en participant aux opérations générales des troupes d’occupation, le rôle des goums est de constituer sur toute l’étendue des territoires occupés et notamment à leurs périphéries, un lien permanent entre les autorités militaires et la population indigène, de faciliter ainsi l’administration des tribus soumises et de nouer des intelligences avec les tribus extérieures ». Sont ainsi réaffirmés : l’unité de commandement à chaque niveau de la hiérarchie territoriale par le Service de renseignement dont les goums sont le bras armé  et le retour à une organisation interne de ces unités la plus légère possible.

Depuis, les goums mixtes marocains constituent une force permanente, classée par la loi de 1928 relative à la constitution des cadres et des effectifs de l’Armée française, dans les formations auxiliaires de l’Afrique du Nord. Ils constituent cependant une exception voulue par le général Lyautey car ils bénéficient d’une réglementation particulière qui les distingue des unités soumises aux règles générales de fonctionnement de l’Armée. Ils ont pu ainsi conserver les qualités innées du guerrier marocain qui ont fait merveille pendant les opérations de réunification de l'ensemble du Maroc sous l'autorité du Sultan et dans les combats de la seconde guerre mondiale.

 

L’épopée des Goums Mixtes et des Tabors Marocains

De 1912 à 1956, les Goums mixtes marocains dans une étonnante épopée se sont couverts de gloire sur tous les champs de batailles où ils ont été engagés, faisant l’admiration des alliés, suscitant le respect et semant la crainte chez l’ennemi.

C'est la Seconde Guerre mondiale, et plus encore la bataille du Garigliano et le débarquement en Provence, qui a sorti les Goums de l'anonymat. Sur les routes, sur les zones de combat, la pittoresque silhouette des goumiers, vêtus de leurs djellabas couleur d'écorce, coiffée de leurs rezzas - turbans - de laine, chaussés de nahallas (sandales), portant un barda hétéroclite, marchant en colonnes tirant derrière eux leurs brèles - leurs mulets -, a suscité la curiosité des correspondants de guerre et des Français qui les voyaient passer. Les uns et les autres, même les militaires, en sont restés aux apparences ne sachant pas très bien ce qu'étaient ces unités.

Mais l'histoire des Goums ne commence pas avec la libération du territoire. Leur nom leur vient de l'arabe goum, qui signifie "levée". Les goums mixtes marocains qui ne sont pas des supplétifs (c'est-à-dire recrutés temporairement) ainsi qu’il est souvent avancé, dépendent comme les autres unités de l'armée d'Afrique des Troupes métropolitaines. Ils sont régis par les instructions ministérielles du 9 août 1913, du 15 février 1937, puis par l'article 46 de la Loi des Cadres et Effectifs de 1928.

 

Des troupes organisées de façon originale

Toutefois, parmi les troupes régulières les goums se distinguent à plus d'un titre :

Au Maroc, les goums, - équivalents des compagnies - sont des unités formant corps, c'est-à-dire qu'elles s'administrent elles mêmes. Elles sont composées en principe de 150 hommes répartis en trois sections d’infanterie auxquelles s’ajoute un peloton de cavalerie, d’un groupe de mitrailleuses (et ultérieurement d’un groupe de mortiers) et d’un échelon muletier, d’où leur appellation de Goums Mixtes Marocains. Quand ils seront engagés sur des théâtres extérieurs, les cavaliers se transformeront généralement en fantassins. 

Le capitaine gère les masses d'habillement et d'équipement, paie la solde. Il n'y a pas d’ordinaire (maintenance domestique) ni de roulantes (cuisine mobile). Les goumiers perçoivent une prime d’alimentation journalière pour se nourrir. Les célibataires se regroupent par affinité pour faire popote. Quand ils sont mariés, les goumiers vivent en famille et logent dans l'enceinte du poste ou à proximité dans des douars construits par eux.

Nul Marocain ou Français ne sert dans les goums sans être volontaire. Les officiers et sous-officiers français viennent des différentes armes, surtout de l'Infanterie. Les Marocains sont directement et personnellement recrutés par le commandant de goum. À l’issue d’une période d’essai, ils s'engagent pour un contrat de deux ans renouvelable, sans pouvoir toutefois dépasser quinze ans de service à l’issue desquels ils perçoivent un pécule ou une retraite. Recrutés de préférence dans les tribus guerrières, les Berbères de l'Atlas central, du Rif et du Sud marocain sont choisis en priorité, un certain dosage dans les tribus étant respecté. L'avancement des Marocains se fait au choix et au sein du goum. La hiérarchie est la suivante : maoun (caporal), maoun aoual (caporal chef), mokkadem (sergent) mokkadem aoual (sergent chef) et mzalem (adjudant). Au Maroc, les goums sont employés directement par le Service des Affaires Indigènes. Le commandant de goum appartient statutairement au corps des Affaires Indigènes. 

Portant l'insigne de la Koumia

Les goums participeront à tous les combats de la réunification de l'ensemble du Maroc sous l'autorité du Sultan où ils joueront un rôle de plus en plus important avec les années. Leur nombre passe de 6 goums en 1912, à 16 en 1914, à 21 en 1917 puis à 27 en 1924 pour finir à 48 goums en 1933.  S’ils ne combattent pas en France pendant la Grande Guerre, ils figurent cependant dans le défilé de la victoire de 1919 car ils se sont couverts de gloire au Maroc. 

En 1934, vingt-cinq citations collectives, dont dix à l’ordre de l’armée, ont récompensé leur courage et leur ardeur. Fait très exceptionnel pour des unités de ce niveau, les 10e et 16e Goums ont eu le droit au port de la fourragère des Théâtres des Opérations Extérieures. 

À l'approche de la guerre, les 57 goums existants en 1939 préparent la mobilisation par dérivation. 125 goums seront mis sur pied en mai 1940, regroupés pour certains en bataillons appelés groupements de goums, dont quatre seront dirigés sur la ligne Mareth en Tunisie. C’est à cette époque que fut homologué l’insigne des goums. Exécuté en métal vieil argent, il représente un poignard marocain, une koumia, portant en lettre rouge GGM (Goum Mixte Marocain).

 

Après la défaite de 1940, le Résident général Noguès conserve 102 goums et 8 groupements. Pour les camoufler aux yeux de la Commission d'armistice italienne, ils les transforment fictivement en forces de police baptisées "Mehallas Chérifiennes". Les goums mixtes deviennent des "Goums Chérifiens", les groupements de goums des "Tabors Chérifiens". Le général Guillaume, alors Directeur adjoint des Affaires politiques, raconte par quel tour de passe-passe, l’augmentation très substantielle des fonds secrets alloués à la Résidence (un milliard de francs) a permis l’entretien des effectifs des unités camouflées. Le budget du protectorat aurait été bien incapable de supporter cette charge supplémentaire.

Les Allemands qui remplacent les Italiens dans les commissions d'armistice ne seront dupes qu'un court instant. Dès mars 1941, ils exigeront la réintégration des goums dans les effectifs de l'armée d'armistice. En dépit des contrôles stricts effectués par les commissions d'armistice, les goums, au cours de manœuvres secrètes au cœur de l'Atlas, continueront à s'entraîner collectivement au niveau du Tabor (bataillon de 3 ou 4 goums) et du Groupe de Tabors marocains (régiment de 3 tabors) et à employer l'armement lourd et collectif sorti de ses caches

 

Zidou l’gouddam! - En avant! - pour devise

Ainsi après le débarquement américain en Afrique du Nord, les goums, sous les ordres successifs du général Guillaume et du colonel Hoggard, sont présents sur tous les champs de bataille.

En Tunisie, dès la fin 1942, le 1er GTM du lieutenant-colonel Leblanc et le 2e GTM du lieutenant-colonel Boyer de Latour reprennent immédiatement le combat. En Sicile, le IVe Tabor, réclamé par le général Patton, a valeureusement représenté l’Armée française.

En Italie, en 1944, de Naples à Sienne, l’audace et la rapidité, dont font montre les 1er (lieutenant-colonel Leblanc), 3eme (lieutenant-colonel Massiet du Biest) et 4ème GTM (lieutenant-colonel Gautier), est digne de leur devise Zidou el gouddam (En avant).

En Corse, en s’emparant du col du Téghime, le 2e GTM, ouvre la route à la prise de Bastia qui libère définitivement l’île des Allemands. Par la suite, il fait partie des troupes qui se lancent à l’assaut de l’île d’Elbe.

En France, les 1er, 2e et 3e GTM débarquent le 15 août 44 et libèrent Marseille, puis sont engagés dans la dure bataille des Vosges. Enfin en Allemagne, en 1945, les 1er, 2e, et 4e GTM (Lieutenant-colonel Parlange) franchisent le Rhin pour une nouvelle campagne qui se terminera le 9 mai au Tyrol.

Durant la seconde guerre mondiale les goums mixtes marocains ont eu à un rôle de premier plan dans la phase d'exploitation de la bataille du Garigliano (Cassino) et dans la libération de Marseille. Du 13 mai au 2 juin 44, au travers des monts Aurenci et Lepini, les excellents montagnards que sont les goumiers sont le fer de lance de la ruée sur Rome. À Marseille, ce sont les 1er, 2e et 3e GTM et le 7e RTA qui délivrent la ville de l’occupant. Ils défilent le 29 août sur la Canebière après avoir fait, à eux seuls, 8600 prisonniers et pris une centaine de canons.

Ils obtiendront entre 1942 et 1945, 17 citations collectives à l'ordre de l'Armée et 9 à l'ordre du corps-d'armée et 13 143 citations individuelles

Les pertes des goums au cours de la guerre furent de 65 officiers, 133 sous-officiers et 1623 goumiers tués, 5974 blessés, dont 120 officiers.

De fin 1948 à 1954 dix Tabors vont servir en Indochine principalement au Tonkin. Ces tabors vont se montrer dignes de leurs anciens. Au cours des terribles combats de la RC4, en octobre 50, les 1er (Capitaine Feaugas), IIIe (Chef d’escadrons de Chergé) et XIe Tabors (Chef de bataillon Delcros), engagés dans cette malheureuse affaire mal préparée et mal commandée, se battent à 1 contre 5. Le général Giap, dans ses Mémoires rend un hommage appuyé aux goumiers du 5e Goum qui ont défendu le Na Kéo contre les assauts répétés de l’ennemi.

Huit nouvelles citations collectives à l’ordre de l’armée sont attribuées, dont deux aux 80e et 86e Goums. Pour sa part le Ier Tabor est deux fois cité à l’ordre de l’armée au cours du même séjour. Les goums sont aussi ensuite brièvement engagés en Algérie et en Tunisie.

Le 9 mai 1956, les cinquante goums mixtes marocains quittent l'Armée française pour former dix bataillons l'Armée royale marocaine.

Un drapeau des Goums et des Tabors

N’étant jusqu’alors ni embataillonnés, ni enrégimentés, les goums ne s’étaient pas vu remettre un emblème. Le 14 juillet 1945, place de la Bastille, le général de Gaulle, remet officiellement aux quatre Groupes de Tabors un drapeau commun où sont inscrits : Tunisie, Sicile, Corse, Italie, France, Allemagne.

À la fin de la guerre, le ministre des Armées prévoit la dissolution des goums. Après arbitrage du général de Gaulle, 50 goums seront maintenus, 34 goums formant corps et 16 goums regroupés en 4 Tabors de tradition.

Leur drapeau devient le drapeau commun des Goums Mixtes Marocains avec une inscription supplémentaire "Maroc" qui sera suivie en 1955 par "Indochine". Il est décoré de la Légion d’honneur et du Mérite Chérifien.

Leurs sacrifices et leurs faits d'armes sont encore, oh combien ! présents dans la mémoire de leurs anciens cadres français réunis dans l’association La Koumia.

         « Qu’ils sachent, Seigneur combien nous les avons aimés ! »

Ce dernier vers de La Prière pour nos frères marocains, écrite en 1944 au 2e GTM,  et lue depuis lors, continue de traduire l’intensité de leur affection pour leurs compagnons d’armes marocains.

Sa  Majesté Hassan II n’en doutait certainement pas. Elle a reçu officiellement en 1995 l’association La Koumia des anciens des goums marocains et des affaires indigènes dans son palais et a offert à son président, le Général Le Diberder, une Koumia en or qui est déposée dans la salle des Goums au Musée de l’Infanterie à Montpellier.